le 07/10/2018
L’album annoncé il y a un an arrive enfin ! Et quel album ! Un album qui nous agrippe dès les premiers pincements de cordes avec les notes arabisantes et la structure polyrythmique de Mauritanie version jaguar, un titre puissant qui nous transporte d’un claquement de doigts jusqu’aux confins du Sahara mauritanien. Chanté en hassanya par un Wolof, ce titre résolument optimiste et confiant évoque pourtant un pays en proie au racisme et aux discriminations. Une chanson qui donne le ton d’un album résolument engagé…et intimiste.
A travers Emigrants , Diamono , Ethnies, Diame, Ablaye nous livre sa vision du monde et de l’Afrique : il réhabilite le migrant, regrette la disparition des solidarités traditionnelles, dénonce l’esclavage, interroge le système des castes qui imprègne encore fortement la société mauritanienne et fustige les profiteurs de guerre.
Amadou et Doundeul en disent davantage sur l’homme (Ablaye) que sur le militant, un homme qui cultive l’exemplarité et qui trouve une réelle satisfaction à distiller le bien autour de lui. Choukrane Mama occupe une place à part dans cette sphère intimiste. Avec une émotion décuplée par les pizzicatos de Yohann, Ablaye chante sa mère, cette mère modèle disparue peu de temps après son arrivée en France et dans le souvenir de laquelle il trouve force et inspiration.
Mais Emigrants, c’est d’abord et avant tout de la musique, une musique qui fait chaud au cœur, une musique qui fait du bien. Les morceaux sont servis par la voix d’Ablaye - subtile mélange de puissance et de douceur – voix à laquelle viennent se joindre le superbe phrasé de Yohann, la patte rock et les riffs énergisants de Guillaume, les claquements sourds d’Adama et le touché funky d’Arthur. Et que dire de Joël qui flatte amoureusement le ventre de sa contrebasse de ses doigts agiles ou des deux choristes – Marion et Camille – dont les timbres fusionnent harmonieusement ? Résultat : une musique qui vous imprègne, qui vous trotte dans la tête et qui traîne dans vos oreilles.
Pour en arriver là, pas de hasard ! Le groupe a réinventé des titres maintes fois égrainés, bouleversant structures et instrumentation pour profiter pleinement du potentiel offert par le studio. Il s’est également assuré de la précieuse collaboration de Papis Koné, guitariste de talent venu spécialement de Nouakchott pour endosser le rôle de directeur artistique et enrichir l’album de ses sonorités africaines. Une « mauritanian touch » renforcée par la présence du chanteur Moussa Yero Dioum qui a prêté sa voix aux chœurs et ses mains à la structure polyrythmique du style jaguar. Le succès de l’entreprise tient également au choix du studio Microclimat, aux précieuses compétences de Dominique Marotel et Vincent Hermon ainsi qu’au concours de Lucas Bernard qui s’est emparé de la batterie pour un titre inédit (Emigrants) et de Christophe Blouquin dont le saxophone illumine l’album de ses éclats mélancoliques.
Au total, ce n’est pas moins de 12 artistes qui ont collaboré à l’enregistrement d’Emigrants. De quoi donner des sueurs froides au producteur Christophe K qui n’arrivait pas à endiguer la boulimie instrumentale de son chantlead. « Ablaye et son orchestre » plaisantait-on dans le cénacle ! Mais force est de constater que le résultat en valait la peine…
Christophe. K
NB : un immense merci à Thierry Martin qui nous a fait l’honneur de réaliser la pochette de l’album.